Skip to content

Ce que l’adoption de la loi de finances pour 2023 pourrait modifier au titre de la fiscalité patrimoniale…

Adoption de la loi de finances 2023

Le projet de loi de finances vient d’être publié, et comme cela était déjà le cas l’an dernier, le contenu de la version 0 est plutôt réduit, notamment sur le plan de la fiscalité patrimoniale. Cependant, comme chaque année, la version définitive après le passage devant la commission mixte paritaire voire le Conseil constitutionnel, pourrait apporter son lot de nouveautés. On va ici se laisser aller vers un exercice de fiscalité fiction qui pourrait devenir réalité. Quelles pourraient être les évolutions majeures à venir dans un contexte où la fiscalité du travail sera très probablement mise en opposition avec la fiscalité du capital ? 

Panorama de l’actualité fiscale 2023

Comme chaque année, nous aurons le plaisir de vous retrouver dans 14 villes pour notre journée de formation en présentiel consacrée au panorama de l’actualité fiscale. Nous effecterons une synthèse opérationnelle des nouveautés législatives, doctrinales et jurisprudentielle de l’année écoulée. 

Informations et inscription

I. Des dispositions éligibles à la « petite rétroactivité »

Une fois validée par le Conseil constitutionnel, la loi de finances pour 2023 pourrait rétroagir au 1er janvier 2022. Le principe de la rétroactivité est simple à exposer : tant que le revenu n’a pas été imposé et que l’impôt n’est pas payé, la règle peut changer…

Cette règle concerne une grande majorité des impositions, car dans notre système fiscal, l’impôt forfaitaire libératoire est d’application rare. Pour une majorité des situations, l’impôt est collecté par voie de rôle, c’est-à-dire après déclaration et édition d’un avis d’imposition.

A. Les revenus et gains imposés immédiatement

Les revenus faisant l’objet d’une imposition et d’un paiement de l’impôt immédiat sont principalement :

Les rachats sur contrats d’assurance vie et contrat de capitalisation éligibles au PFL (Prélèvement Forfaitaire Libératoire). Il s’agit de contrats ouverts avant le 27 septembre 2017 et uniquement au titre des produits attachés aux primes versées avant cette date ;

Les plus-values immobilières des particuliers qui font l’objet d’une imposition immédiate au titre de l’impôt sur le revenu au taux de 19% ;

Les BIC professionnels ou patrimoniaux (tels que ceux issus de la location meublée ou équipée) ayant bénéficié du Versement Forfaitaire Libératoire (régime du micro-entrepreneur prévoyant sous condition l’application d’un impôt forfaitaire assis sur le chiffre d’affaires réalisé).

B. Les revenus et gains imposés par voie de rôle

Les revenus autres que ceux mentionnés supra font l’objet d’une imposition à posteriori, après que le revenu soit encaissé ou le gain réalisé. Il s’agit notamment :

  • Des revenus fonciers ;
  • Des plus-values sur titres, y compris les gains sur PEA clôturé avant son 5ème anniversaire ;
  • Des revenus de capitaux mobiliers (acronyme RCM) qui intègrent :
  • Les intérêts de livrets, les coupons d’obligations et autres revenus de créance,
  • Les dividendes,
  • Les rachats sur assurance vie ou contrat de capitalisation dès qu’ils sont composés de produits attachés à des primes versées à compter du 27 septembre 2017 ;
  • Les rentes viagères, qu’elles soient à titre gratuit (pension) et ou à titre onéreux ;
  • Les BIC professionnels ou patrimoniaux (tels ceux issus de la location meublée ou équipée) n’ayant pas bénéficié du Versement Forfaitaire Libératoire ;
  • Les BNC professionnels ou patrimoniaux (notamment les revenus issus de la sous-location) n’ayant pas bénéficié du Versement Forfaitaire Libératoire ;
  • Les traitements et salaires et rémunération de gérance majoritaire au sens de l’article 62 du CGI ;
  • Les bénéfices agricoles ;
  • Les plus-values professionnelles à long terme.

L’enjeu est d’une grande importance puisque l’essentiel des revenus encaissés et des gains réalisés en 2022 peuvent faire l’objet d’un réaménagement fiscal qui pourrait se traduire par une baisse ou plus probablement une hausse…

II. Une hausse de taux d’imposition bas

« Quel est l’avenir de tout taux d’imposition bas ? » Propos tenu dès l’année 2018 par Jean-Pierre COSSIN lors de l’entrée en vigueur du PFU à 12,8% et plus généralement de la FlatTax à 30% si on intègre les contributions sociales sur les revenus du patrimoine au taux de 17,2%.

A. Un peu d’histoire

1. « Barèmisation » des revenus et gains du patrimoine à compter de 2013

Souvenons-nous que la taxation forfaitaire au taux de 12,8% a pris la suite d’une « barèmisation » de l’ensemble des revenus et gains sur le patrimoine.

En effet, la loi de finances pour 2013 avait mis fin à compter du 1er janvier 2013 :

  • Au PFL de 21% et 24% selon qu’il s’agissait de dividendes (revenus de capitaux mobiliers variables) ou d’intérêts/coupon (revenus de capitaux mobiliers fixes) ;
  • A l’imposition forfaitaire applicable aux plus-values sur titres au taux de 24%.

Notons qu’en parallèle, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 a étendu l’assujettissement des dividendes aux cotisations sociales professionnelles à l’ensemble des travailleurs indépendants (et non plus aux seuls gérants majoritaires de sociétés d’exercice libéral ou SEL).

2. Mise en place dès 2018 d’une taxation forfaitaire au taux de 12,8% sauf option pour la « barèmisation »

À compter du 1er janvier 2018, les revenus de capitaux mobiliers ainsi que les plus-values sur titres font l’objet de plein droit d’une imposition au taux de 12,8% sur une assiette brute qui ne tient pas compte des éventuels frais ni abattement (seuls les déficits moins-values en report peuvent être imputés sur l’assiette brute).

La loi permet cependant à chaque contribuable d’opter pour l’application du barème progressif de l’impôt sur le revenu sur une assiette nette (minorée d’éventuels frais ou abattement). Cette option annuelle sans tacite reconduction est applicable à l’ensemble des revenus et gains pour tous les membres d’un même foyer fiscal.

Notons également qu’en parallèle à cette baisse de l’impôt sur les revenus de capitaux mobiliers et plus-values sur titres, les contributions sociales sur les revenus du patrimoine sont passées de 15,5% à 17,2% en raison d’une augmentation de la CSG de 1,7 points.

B. Ne pas confondre PFU et PFL

Ainsi, depuis le 1er janvier 2018, les revenus de capitaux mobiliers fixes ou variables (intérêts/coupons ou dividendes) font l’objet d’un Prélèvement Forfaitaire Unique (PFU) au taux de 12,8% sur une assiette brute.

Attention, il s’agit d’un PFU et non d’un PFL…

1. Le PFL est optionnel et surtout libératoire

Le principe d’un impôt libératoire est qu’il exempte le contribuable d’une régularisation future. L’impôt est définitivement payé.

De plus, c’est un régime optionnel, avec une option qui doit être prise en temps et en heure, faute de quoi, l’option n’est plus possible, l’imposition au barème est alors inéluctable. Cette situation a pu conduire certains conseils à engager leur responsabilité, notamment dans le cadre de rachat sur assurance vie ou contrat de capitalisation. Lorsque des primes ont été versées avant le 27 septembre 2017, les produits attachés sont éligibles à un PFL de 35%, 15% voire 7,5% selon la maturité du contrat au jour du rachat. Lorsque le contrat a 8 ans et plus, le PFL à 7,5% est à privilégier sauf à avoir un souscripteur non imposable. Encore faut-il que l’option pour le PFL soit expressément prise le jour du rachat…

2. Le PFU s’applique de plein droit et n’est pas libératoire

Le PFU, quant à lui, est un régime de plein droit qui s’applique donc systématiquement, sauf à avoir fait une demande de dispense auprès de l’établissement payeur.

De plus, le PFU n’est pas libératoire, il s’agit d’un simple acompte sur l’impôt définitif. En effet, ce n’est qu’après déclaration sans option pour le barème (case 2OP du formulaire 2042) et édition de l’avis d’imposition que le PFU devient définitif.

C. Ne pas confondre PFU et taxation forfaitaire

Le PFU ne concerne que les revenus de capitaux mobiliers. S’agissant des plus-values sur titres, il n’y a pas lieu de parler de prélèvement puisque l’impôt n’est pas acquitté au moment de la réalisation de la plus-value (jour de la cession généralement), mais uniquement après déclaration et édition de l’avis d’imposition.

Ainsi, au titre des plus-values sur titres, quand bien même le taux serait identique (12,8%), il ne s’agit pas d’un prélèvement mais d’une taxation forfaitaire.

En lieu et place de cette imposition forfaitaire par défaut, le contribuable peut opter pour un assujettissement de la plus-value au barème progressif de l’impôt sur le revenu, le gain pourra alors être minoré d’un abattement pour durée de détention issu de la loi de finances pour 2013 et toujours en vigueur (du moins, pour l’instant).

Cette option est commune à celle applicable aux revenus de capitaux mobilier. Dès lors, au titre d’un même foyer fiscal et d’une même année, tous les RCM et toutes les plus-values sur titres sont imposés forfaitairement au taux de 12,8% ou sur option au barème progressif de l’impôt sur le revenu.

D. Une limitation du taux forfaitaire, à défaut une hausse voire sa suppression

L’entrée en vigueur de cette taxation forfaitaire de 12,8% a été considérée comme baisse de l’impôt sur le revenu du patrimoine, alors que le niveau d’imposition sur les revenus du travail est resté constant… Les débats politiques sont depuis toujours soutenus en mettant en opposition la fiscalité du travail et celle du capital.

Loin de nous, l’idée de prendre part à ce débat.

Soulignons juste qu’au titre de l’imposition des dividendes, si l’on tient compte de l’impôt sur les sociétés (impôt préalable à toute perception de dividendes), le PFU à 12,8% et les prélèvements sociaux au taux de 17,2%, la richesse créée dans l’entreprise a subi un frottement global de 47,5% (100 -25% d’IS = 75 de dividende brut – 30% de FlatTax = 52,5 nets encaissés ou 47,5 de frottement global).

Il n’en demeure pas moins que l’imposition forfaitaire de 12,8% pourrait connaitre ses derniers jours. Plusieurs situations peuvent être envisagées.

1. Limitation du champ d’application du PFU

Comme cela a déjà été proposé lors des débats de précédentes lois de finances, le champ d’application du PFU pourrait se voir limiter au même que les prélèvements sociaux pour les dividendes perçus par des travailleurs indépendants.

Ainsi, ne seraient éligible au PFU que la fraction de dividende n’excédant pas 10% du capital social, majoré des comptes courants d’associés et des primes d’émission. L’éventuel excédent serait imposé au barème progressif après application d’un abattement de 40%.

2. Hausse du taux du PFU

A la place, voire en complément de la limitation du champ d’application du PFU à 12,8%, la loi de finances pour 2023 pourrait prévoit une hausse du taux par exemple à 17,8% passant le taux de la FlatTax à 35% au lieu de 30%.

3. Fin du PFU et retour à la barèmisation générale

Enfin, on pourrait imaginer la fin de la taxation forfaitaire pour un retour à la barèmisation des revenus du patrimoine, situation qui n’est pas nouvelle car appliquée sur la période 2013-2017…

E. Le tout avec un effet rétroactif sur les revenus et gains de 2022

Si certains pourraient voir ici un scénario catastrophe, notons que la petite rétroactivité évoquée plus haut pourrait conduire à une entrée en vigueur dès le 1er janvier 2022.

Ainsi :

  • Les RCM ayant déjà subi durant 2022 un PFU de 12,8% pourraient faire l’objet d’une régularisation ;
  • Les plus-values sur titres 2022 feraient l’objet d’une imposition plus importante que celle escomptée au regard des textes en vigueur au moment de leur réalisation.

III. Une réforme des abattements sur les revenus et gains du patrimoine

Outre la réforme qui porterait sur le taux d’imposition (qu’il soit forfaitaire ou issu du barème progressif), nous pourrions être confrontés à un aménagement des abattements applicables en matière de revenus et gains du patrimoine.

A. L’abattement applicable aux dividendes

Lorsqu’un dividende est imposé au barème progressif de l’impôt sur le revenu, il ouvre droit à un abattement de 40%. Cet abattement a vocation d’éviter la double imposition IS + IR. Ainsi, l’abattement de 40% vient diminuer l’assiette taxable à l’impôt sur le revenu du montant de l’impôt sur les sociétés préalablement acquitté.

Souvenons-nous que l’abattement était à l’origine de 50%. En effet, le taux d’IS était de 33,33%, le dividende brut était de 66,67%, l’IS représentait alors 50% du dividende brut. La loi de finances pour 2018 (article 10) a ramené le taux de l’abattement à 40%.

Aujourd’hui, avec la baisse du taux d’IS à 25%, l’abattement de 40% pourrait être revu à la baisse. En effet, avec un taux d’IS à 25%, le dividende brut est de 75, l’impôt sur les sociétés représente désormais un tiers (33,33%) du dividende brut.

B. L’abattement applicable aux plus-values sur titres

L’application de plein droit de la taxation forfaitaire de 12,8% rend impossible l’application des abattements pour durée de détention (seul l’abattement de 500 000 € dans le cadre du départ à la retraite en application des dispositions de l’article 150-0 D ter du CGI peut s’appliquer sur l’assiette taxable au taux forfaitaire). Toutefois, les contribuables qui opteraient pour un assujettissement de la plus-value au barème progressif de l’impôt sur le revenu peuvent prétendre à un abattement pour durée de détention.

Deux régimes sont envisageables :

  • L’abattement de droit commun de
    • 50% après 2 années de détention
    • 65% après 8 années de détention
  • L’abattement renforcé des « jeunes entreprises » de
    • 50% après un an de détention
    • 65% après 4 années de détention
    • 85% après 8 années de détention

Ces abattements, et plus particulièrement l’abattement renforcé, peuvent s’avérer nettement plus intéressants que la taxation forfaitaire. À titre d’exemple, avec un taux marginal d’imposition de 45% et un abattement de 85%, le taux d’imposition est de 6,75% de la plus-value brute sans tenir compte des effets de la CSG déductible ; nous sommes donc à la moitié du taux d’imposition forfaitaire de 12,8%.

Ces régimes d’imposition extrêmement favorables sous bien évidemment soumis à conditions pourraient eux aussi faire l’objet d’aménagement divers et variés.

C. L’abattement applicable aux plus-values immobilières

Reste enfin la sempiternelle question des plus-values immobilières avec ses régimes d’exonération notamment de la résidence principale, et ses abattements pour durée de détention conduisant à une exonération totale au titre de l’impôt sur le revenu après 22 ans de détention et au titre des prélèvements sociaux après 30 années de détention.

Il y a fort à parier que ces différents régimes de faveur soient remis en cause au gré des amendements déposés par nos parlementaires.

IV. Conclusion

La fiscalité est une matière mouvante, la réforme est devenue systématique en la matière, raison pour laquelle chacun s’attache à qualifier cette matière d’instable. Au regard du contexte économique actuel, et plus particulièrement de l’état des finances publiques, il y a fort à parier que les plus aisés seront mis davantage à contribution que les autres. Se posera alors la question du « qu’entend-on par aisé ? » Nous n’avons pas la réponse, mais probablement que celui ou celle qui engrange des revenus des gains sur le capital sera davantage dans la ligne de mire que les autres.

D’ici là, nous vous donnons rendez-vous en janvier et février 2023 pour assister à notre formation consacrée au panorama de l’actualité fiscale qui outre la loi de finances pour 2023, sera l’occasion d’aborder l’immense actualité jurisprudentielle et doctrinale de l’année 2022, dont tout conseil doit connaître et maîtriser…

Partager cet article sur vos réseaux sociaux

Au plaisir de tisser des liens...